AMR awareness week 2025, partie 1: L’avancée insidieuse de l’antibiorésistance
Organisée à l’échelon mondial, l’«AMR Awareness Week» a pour but de sensibiliser le grand public à l’antibiorésistance et de faire progresser les approches de solutions. Cette série de blogs propose un aperçu du rôle de l’industrie pharmaceutique dans la lutte contre l’antibiorésistance.
On appelle antibiorésistance ou résistance aux antibiotiques la capacité des bactéries à s’adapter et à résister à l’effet des antibiotiques. Les bactéries résistantes peuvent rendre le traitement d’une infection plus difficile, plus long, voire dans le pire des cas impossible. Lorsque nous prenons un antibiotique, celui-ci tue la plupart des bactéries qui ont causé l’infection. Mais certaines bactéries survivent car elles sont porteuses d’une mutation génétique qui les rend résistantes. Ces bactéries survivantes peuvent se multiplier et transmettre leur résistance.
Ainsi, avec le temps, des souches entières de bactéries voient le jour contre lesquelles certains antibiotiques sont impuissants. Les bactéries sont aussi capables de transmettre leur résistance à d’autres bactéries, y compris de tout autre type. De ce fait, le problème s’étend rapidement. Plus on emploie les antibiotiques fréquemment, que ce soit chez l’être humain, dans l’élevage ou en agriculture, plus la pression exercée sur les bactéries est grande. Les souches sensibles disparaissent, les souches résistantes survivent.
Dans le monde entier, les tendances dans le domaine des résistances signalent une baisse d’efficacité des antibiotiques et, selon les pronostics, les résistances pourraient mener d’ici 2050 à dix millions de décès au monde par année [1].
Un facteur capital qui contribue au développement de résistances est l’emploi trop fréquent ou inadéquat d’antibiotiques chez l’être humain, mais aussi en médecine vétérinaire et dans l’élevage.
D’autres facteurs sont les suivants:
Erreurs d’utilisation: par exemple traitement trop court ou interruption du traitement.
Erreurs de dosage: pas assez d’antibiotiques ou antibiotiques inutilement puissants.
Ceci favorise le développement de résistances et les bactéries déjà résistantes survivent, se multiplient et se répandent. Il est donc important de prendre les antibiotiques de manière responsable et conformément à la prescription de son/sa médecin. En observant l’emploi d’antibiotiques en Suisse, on peut constater que 87 pourcent des antibiotiques sont utilisés dans le secteur ambulatoire et 13 pourcent dans les hôpitaux. Il y a des différences entre les hôpitaux et le secteur ambulatoire, mais aussi entre les régions linguistiques: la Suisse romande se classe en première place de la consommation d’antibiotiques par personne tandis que la Suisse alémanique se situe en troisième position [2].
Ampleur de la problématique
L’apparition de résistances a des conséquences d’une grande portée. D’après l’OMS, les antibiorésistances ont augmenté de 40 pourcent entre 2018 et 2023 pour les combinaisons de bactéries et antibiotiques étudiées. Il y a aussi de grandes différences entre les régions du monde, la plus fortement touchée étant l’Asie du Sud-Est.
Source: xiv | Median AMR in 93 infection type–bacterial pathogen–antibiotic combinations, by WHO region, 2023, Global antibiotic resistance surveillance report 2025
Les problèmes d’antibiorésistance sont particulièrement répandus dans les pays où le système de santé est faible. Cela tient au manque de diagnostics ou au manque de financement du système de santé qui causent des erreurs d’utilisation ou des traitements trop courts. L’hygiène dans les institutions sanitaires joue aussi un rôle, de même que le manque de vaccins [3].
Pour ce qui est du nombre de décès, en 2021, 7.7 millions de personnes au monde sont décédées d’une infection bactérienne, dont 1.1 million de décès directement imputables aux antibiorésistances [3].
Un phénomène mondial
Les résistances se forment non seulement dans les hôpitaux, mais aussi dans la vie de tous les jours, dans la médecine vétérinaire et l’agriculture. Les bactéries résistantes font fi des frontières, elles se répandent dans le monde entier via les êtres humains, les animaux, les denrées alimentaires et l’eau. Le lien étroit entre la santé humaine, animale et écologique est décrit dans ce que l’on appelle l’approche One Health, un concept qui considère l’antibiorésistance comme un problème mondial et interconnecté [4]. Ce changement de mentalité est important.
Un changement de mentalité a lieu
Tant le secteur public que privé reconnaissent de plus en plus l’urgence de cette problématique mondiale. Ainsi la Stratégie Antibiorésistance Suisse (StAR) lancée en 2015 vise-t-elle, par des mesures prises à différents niveaux, à garantir l’efficacité des antibiotiques à long terme pour le maintien de la santé humaine et animale. Il s’agit par exemple de favoriser une utilisation appropriée des antibiotiques, de prévenir les infections à l’hôpital, de surveiller les résistances et la consommation d’antibiotiques, d’encourager la recherche et la transmission de connaissances et de sensibiliser le grand public. Un changement de mentalité a donc lieu, mais il reste à faire au niveau des incitations pour la recherche.
Les patient-e-s suisses attendent longtemps de nouveaux antibiotiques
En Suisse, les patient-e-s attendent beaucoup plus longtemps les nouveaux antibiotiques que dans d’autres pays. Sur 18 substances antibactériennes, six seulement ont été autorisées en Suisse jusqu’à fin 2019 et ne sont arrivées sur le marché suisse qu’avec plus de 2.5 années de retard. Sur les 15 pays considérés, la Suisse se classe onzième pour ce qui est du nombre d’antibiotiques introduits. Le délai d’attente d’arrivée d’un antibiotique sur le marché est en Suisse de 967 jours, de sorte que notre pays atteint à cet égard également la onzième place. Il y a donc encore fort à faire:
Afin d’éviter cette « fuite des cerveaux », c’est-à-dire le retrait ou la disparition des entreprises de recherche innovantes dans ce domaine, et de renforcer le développement de nouveaux antibiotiques, divers pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suède ont testé ou mis en place des systèmes d’incitation pour les antibiotiques. Ces incitations peuvent prendre la forme de primes d’entrée sur le marché ou de paiements annuels garantis indépendants des ventes.
Des mesures incitatives spécifiques sont nécessaires :
Les nouveaux antibiotiques doivent être considérés comme une assurance contre les crises sanitaires futures. Par conséquent, lors de la fixation des prix, il convient de prendre en compte non seulement la valeur pour les patients, mais aussi la valeur sociale, c’est-à-dire la garantie de la disponibilité de nouveaux antibiotiques comme médicaments de réserve pour le traitement des bactéries multirésistantes.
Les nouveaux antibiotiques sont conservés en réserve pour des raisons médicales et ne sont utilisés que lorsque les antibiotiques plus anciens échouent. Cependant, cela signifie que les fabricants n’ont pas de marché et n’ont aucun moyen de couvrir les coûts de développement, de fabrication et de distribution. Afin de garantir la disponibilité à long terme des antibiotiques, des incitations à la recherche et au marché sont nécessaires. Les incitations au marché dissocient le volume des prescriptions et les ventes, ce qui permet aux entreprises de mettre à disposition des antibiotiques de réserve.