"La protection de la propriété intellectuelle n'est pas le problème, mais plutôt la solution." Interview avec René Buholzer en AGEFI - Interpharma

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10 juin 2022

“La protection de la propriété intellectuelle n’est pas le problème, mais plutôt la solution.” Interview avec René Buholzer en AGEFI

10 juin 2022, Maude Bonvin

La réunion ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce débute dimanche à Genève. L’industrie pharmaceutique craint un affaiblissement de la propriété intellectuelle. Maude Bonvin de l’AGEFI a interviewé René Buholzer à ce sujet:

Pourquoi la proposition du QUAD est-elle jugée inacceptable par votre branche? 

Le texte dont nous avons connaissance est celui qui a été proposé par les 4 auteurs soit l’UE, les USA, l’Afrique du Sud et l’Inde et qui a été formellement présenté à tous les pays membres de l’OMC le 6 mai.

Ce qui nous dérange au plus haut point dans cette proposition est le fait que la propriété intellectuelle est traitée comme un problème alors qu’elle est la solution.

Ce texte va au-delà des ADPIC[1]. Il ne se limite également pas aux vaccins. Il inclut les brevets pour toutes les technologies et tous les processus nécessaires à la fabrication des vaccins (par exemple les réactifs chimiques/biologiques ou les équipements et machines de production, etc.) Cette proposition, si elle est acceptée, a aussi le risque de devenir une nouvelle norme, bien au-delà du contexte du COVID-19 auquel elle est censée être destinée : pour les futures pandémies, mais aussi pour les situations non-pandémiques. Elle affaiblit la capacité de réaction à une prochaine pandémie et plus généralement la capacité d’innovation.

Les négociations ne sont heureusement pas encore terminées. Nous comptons sur nos négociateurs.


[1] Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce

En période de pandémie, période extraordinaire, les entreprises pharmaceutiques actives dans la recherche ne devraient-elles pas faire un geste en faveur de la santé publique? 

La pandémie de COVID a justement montré avec quelle cohésion, quelle coopération et quel engagement l’industrie pharmaceutique a réagi. Afin de permettre un accès le plus large possible aux vaccins, nombre d’entreprises pharmaceutiques ont vendu leurs vaccins à prix coûtant ou à a des prix différenciés selon les pays. De même, des donations au programme COVAX ont permis d’améliorer l’accès de certains pays aux vaccins.

Si la recherche a permis de trouver si rapidement des solutions, c’est-à-dire des vaccins efficaces, c’est parce que l’industrie pharmaceutique pratiquant la recherche a investi depuis des décennies dans la recherche,

Les brevets encouragent l’innovation. Il me semble important de relever deux éléments:

Il faut savoir qu’il faut compter en moyenne 2,5 milliards de francs pour développer un médicament de A à Z. Sur 10’000 substances, une seule arrive finalement sur le marché.

Ou pour les vaccins, sur les plus de 300 projets de vaccins enregistrés par l’OMS, seule une demi-douzaine a été couronnée de succès sur le plan médical.

Cela veut dire qu’il y a énormément d’échecs, et que ces échecs coûtent très chers. Cela veut aussi dire qu’il est nécessaire d’avoir des succès pour financer ces échecs. En d’autres termes, si votre innovation n’est pas protégée et qu’elle risque d’être copiée dès le premier jour de mise sur le marché, quel serait l’intérêt d’investir autant dans la recherche ? Pourquoi alors ne pas simplement attendre et copier les autres ?

La levée des brevets ne permet-elle pas de produire davantage de vaccins et de médicaments? 

Non au contraire. Les problèmes d’accessibilités aux vaccins contre le COVID-19 de certains pays fin 2020 – début 2021 surtout dus à des problèmes d’acheminement ou de distribution.

Ces deux dernières années, la propriété intellectuelle a été essentielle pour l’établissement d’un cadre à la collaboration entre les différentes entreprises pharmaceutiques, justement pour produire davantage de vaccins, et plus rapidement. Elle a en outre permis une collaboration et un partage des connaissances sans précédent entre les chercheurs, comme le montrent les exemples de BioNtech/Pfizer, Moderna/Lonza et Regeneron/Roche, Humabs/VIR/GSK/Biogen.

Il serait faux d’affaiblir maintenant la protection des brevets. Ce n’est que grâce au système de brevets et de licences que ce succès a été possible et qu’il restera la clé de la poursuite de la R&D à l’avenir. Les licences obligatoires ou l’annulation des brevets ne seraient pas non plus une solution : il ne suffit pas de mettre une recette de vaccin à disposition sur Internet. Il faut d’énormes ressources, du savoir-faire et des « ingrédients ». Pour le dire de manière imagée : La recette de pâtisserie seule ne permet pas de cuire le gâteau : Il faut les ingrédients, le boulanger, le four et même toute la cuisine.

Si le proposition du QUAD est acceptée, quelles seront les conséquences économiques pour la pharma en Suisse? 

En premier lieu, cela compliquerait et aurait certainement de lourdes conséquences en cas de nouvelle pandémie.

Deuxièmement, ce sont certainement les patientes et les patients qui payeraient le plus lourd tribut à un affaiblissement de la propriété intellectuelle, car ce sont eux qui sont les véritables bénéficiaires de médicaments innovants.

Troisièmement, les effets ne seraiennt certainement pas visibles du jour au lendemain. Toutefois, c’est la capacité-même d’innover qui serait mise en danger. La Suisse, pays pauvre en matières premières, a développé au fil des décennies sa prospérité grâce à ses capacités d’innover et, dans ce contexte, serait certainement beaucoup plus impactée que d’autres.

En cas d’acceptation, faudrait-il instaurer des mesures de compensation en faveur de la pharma? Si oui, lesquelles? 

Nous n’en sommes heureusement pas là ! Notre branche est un moteur de l’économie suisse. En pénalisant l’innovation, c’est non seulement la branche de l’industrie pharmaceutique pratiquant la recherche qui en subirait les conséquences mais aussi l’ensemble de l’économie de notre pays, et surtout les patientes et les patients.

Michèle Sierro

Responsable communication Suisse romande

+41 79 305 84 30

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