Comment la Suisse pourra-t-elle mieux utiliser les données dans l’avenir? Ruth Humbel, conseillère nationale, a posé cette question au Conseil fédéral. Pour la première fois, celui-ci aborde dans sa réponse des aspects importants pour un écosystème de données de santé. Mais il faut à présent les approfondir.
«Tout vient à point à qui sait attendre», ce proverbe peut s’appliquer au bon vin, mais aussi parfois aux réponses tant attendues du Conseil fédéral. En 2015, dans un postulat important, Ruth Humbel, conseillère nationale, avait demandé comment mieux utiliser les données médicales pour assurer l’efficience et la qualité des soins. Sept ans plus tard, la réponse est enfin là et va dans la bonne direction.
Le Conseil fédéral reconnaît qu’il est essentiel d’améliorer l’utilisation des données de santé pour la recherche et le progrès médical. Il propose pour cela d’assurer le fonctionnement d’un écosystème numérique de données médicales. Les auteurs du rapport soulignent des aspects importants auxquels il faut s’attacher.
Pour que les données médicales puissent être réutilisées, il faut les relever et les structurer suivant des exigences communes. Le principe FAIR joue un rôle important: il énonce que les données doivent être faciles à trouver (il faut pour cela un catalogue de métadonnées), accessibles (on peut y accéder), interopérables, c’est-à-dire qu’elles peuvent être reliées entre elles, et réutilisables, c’est-à-dire décrites de manière à indiquer clairement d’où elles proviennent et qui a par exemple le droit de les réutiliser.
Les données médicales personnelles doivent être particulièrement bien protégées, ce qui est réglé en Suisse par la loi sur la protection des données. Il est parfaitement clair que la réutilisation de données de santé des citoyen-ne-s requiert leur consentement éclairé (informed consent) et ceci, comme le précise aussi le rapport, de manière aussi simple que possible (consentement électronique). Mais les données de santé revêtent aussi une très grande importance pour la société, comme l’a exposé Interpharma dans une publication précédente (lien vers la brochure). Mais, comme l’explique également le rapport du Conseil fédéral, il n’existe actuellement pas de cadre juridique qui détermine une fois pour toutes les possibilités d’utilisation des données de santé en Suisse. Pour qu’un écosystème de données de santé puisse fonctionner, il faut que cela change. D’autres pays comme la Finlande ont résolu cette question à l’aide d’une loi sur l’utilisation des données de santé; l’UE a également publié récemment sa vision en la matière. Une telle loi cadre serait aussi importante pour la Suisse.
Un autre élément important d’un écosystème de données de santé est une gouvernance adéquate: il faut quelqu’un qui orchestre le système. Ce rôle pourrait revenir à l’Organe national pour la coordination des données dont il est question dans le rapport. On a besoin pour cela d’une base légale que l’on pourrait également régler par le biais d’une loi sur l’utilisation des données de santé. En Finlande par exemple, les acteurs de l’écosystème de données de santé, que ce soient les universités, les entreprises pratiquant la recherche ou d’autres organismes publics, peuvent déposer une demande de données auprès de l’instance d’État indépendante Findata. L’autorité vérifie les demandes et fournit au demandeur les données de santé sous une forme anonyme et reliée. En Suisse, nous avons besoin d’une discussion approfondie pour déterminer la structure que pourrait avoir une telle institution dans notre pays. Le but devrait être une institution légère, qui agisse dans l’intérêt public, à l’instar du modèle finlandais. Il y a déjà en Suisse des initiatives que l’on pourrait développer en ce sens, par exemple dans le cadre du Swiss Personalized Health Network (SPHN). À condition qu’elle soit légère et efficace, le grand avantage d’une institution de ce type est qu’elle peut énormément favoriser l’innovation, tant dans les cercles économiques et universitaires que politiques. Un autre aspect est tout aussi important: une gouvernance ainsi réglée clairement dans une loi favorise la confiance de tous dans le système, parce que tout le monde sait comment les données ont le droit d’être utilisées et dans quels buts.
Le rapport du Conseil fédéral va clairement dans la bonne direction, mais il ne remplace pas une stratégie. Il ne contient ni délais contraignants, ni mesures concrètes et n’aborde pas le sujet important qu’est le financement. De plus, il fait l’impasse sur une partie de la question du postulat: alors que celui-ci demande comment mieux utiliser les données pour assurer l’efficience et la qualité des soins, le rapport se limite en fait à la recherche. Il fait donc l’impasse sur une grande partie du bénéfice que promet un écosystème de données de santé, à savoir qu’il permet à la politique de structurer l’ensemble du système de santé de manière plus efficiente et efficace. Des mesures politiques comme celles qui ont été prises pendant la pandémie n’auraient pas besoin d’être prises à l’aveugle. La transparence des coûts et des bénéfices permettrait de passer de l’orientation actuelle vers la facturation à une orientation vers les résultats.
Cette stratégie globale, des mesures concrètes et une feuille de route contraignante sont ce dont nous avons besoin de toute urgence. Il est donc particulièrement important que le Conseil fédéral entende les élaborer avec des organes spécialisés en associant des experts externes.
Interpharma, fondée en 1933 et dont le siège se situe à Bâle, est l’association des entreprises pharmaceutiques suisses pratiquant la recherche.
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